Une relation père-fils dans un monde où les humains mutent en animaux, Catherine Deneuve campant Bernadette Chirac, la naissance de la vocation d’écrivain chez une jeune domestique anglaise… La sélection du Figaro.
Le Règne animal – À voir
Fantastique de Thomas Cailley, 2H08
Les uns les appellent « créatures » ; les autres préfèrent dire « bestioles ». De quoi parlent-ils ? Le monde a changé. Certains humains se transforment plus ou moins en animaux. Dans l’embouteillage du début, une sorte de grand oiseau s’échappe d’une ambulance. Un père et un fils assistent à la scène. Ils sont habitués. Leur épouse et mère les attend dans un centre spécialisé, couverte de poils, méconnaissable, sosie de Jean Marais dans La Belle et la Bête. Il ne reste que son regard.
Désemparés, unis, se percutant comme deux silex, François et Émile partent pour le Sud. Direction les Landes. Ce changement d’air leur fera du bien. L’adolescent est boudeur, inflammable, écorché vif. Ils logent au camping dans un bâtiment préfabriqué. Au collège, le nouveau cherche ses marques. Romain Duris, le papa, travaille comme cuistot dans un restaurant au bord de la rivière. La mère a disparu dans la forêt. Ils la cherchent. Sous la lune, Pierre Bachelet à fond sur l’autoradio, ils roulent à tombeau ouvert dans les bois en hurlant son prénom. « Maman ! », crie l’enfant, comme si sa vie en dépendait. La scène pourrait sombrer dans le ridicule, elle déclenche des émotions en cascade. Thomas Cailley filme une réalité qui se dérègle, effectue un pas de côté. Ce fantastique « soft », quotidien, bénéficie d’effets spéciaux qui sont tout sauf racoleurs. Les habitants sont partagés. Il y en a qui sont prêts à cohabiter. En face, les sceptiques n’hésiteront pas à sortir le fusil. Pendant ce temps, le jeune Émile s’arrache les griffes qui lui poussent sous les ongles. Son secret ne doit surtout pas s’éventer. Cailley montre les sous-bois comme John Boorman dans Délivrance, un univers peuplé de cris, de fougères qui frémissent, de néophytes s’exerçant à voler ou à pêcher des poissons à mains nues. La fable contourne l’écueil du didactisme grâce à un souci de réalisme tempéré d’inquiétude. É.N.
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Bernadette – À voir
Comédie de Léa Domenach, 1H32
Première dame, il faut le dire vite. Personne ne fait attention à elle. Elle est toujours à l’arrière-plan. Un jour, Bernadette Chirac en a eu assez. L’Élysée, son mari l’avait tellement voulu. Elle n’a pas été pour rien dans son élection. Pourquoi persiste-t-on à la mettre de côté ? On moque ses tailleurs roses, sa coiffure démodée. Ringarde, telle est l’épithète qui la définit le mieux. Elle le sait. Tout cela va changer. Ils vont voir, ces malotrus de domestiques qui oubliaient d’ajouter « Madame Chirac » à leur « Bonjour » dans les couloirs du palais. Claude – l’inflexible Sara Giraudeau – n’est pas la dernière à la négliger. C’est un peu fort. On lui octroie un conseiller en communication réputé inoffensif (Denis Podalydès, délicieux en faux modeste roublard). Le duo créera la surprise. L’entourage n’est pas à l’abri des étincelles. Pour son premier film, Léa Domenach évite les pièges du biopic. Elle choisit la comédie, à la fois tendre et grinçante. Il y a ici quelque chose de très anglo-saxon, cette façon de ne pas attendre des siècles pour représenter des personnages existants, cet humour soutenu par une solide documentation. Le coup de génie est d’avoir engagé Catherine Deneuve. L’actrice s’en donne à cœur joie, entre coups de griffes, répliques vachardes et séquences intimistes. Même les chœurs qui ponctuent l’action n’arrivent pas à choquer. Et puis ce rythme, cet allant, tous ces souvenirs. C’était ça, la France de 1995 à 2007. Les hommes n’en sortent pas grandis. C’est la loi du genre. Michel Vuillermoz fait un président risible, touchant, déboussolé.
Le film retrace une époque, l’accident de Lady Di (Jacques Chirac introuvable), l’épisode des Pièces jaunes qui redore son blason, la trahison de Sarkozy (Laurent Stocker, étonnant de mimétisme). Il est question de l’autre fille, Laurence, qui fut une croix pour le couple (Maud Wyler, écorchée vive). Dialogues aux petits oignons (« - C’est important, la fidélité. »« - Première nouvelle. »), Catherine Deneuve impeccable, comme si elle avait attendu ce rôle depuis toujours. Bernadette ? Parfait, on vous dit. Avec ou sans accent allemand. É.N.
Entre les lignes – À voir
Romance d’Eva Husson, 1H50
Quand a-t-elle senti qu’elle serait écrivain ? Cela s’est fait en trois étapes. Il y a eu le jour de sa naissance, celui où on lui a offert une vieille machine dont la touche « P » se coinçait. Et la troisième ? C’est un secret. Entre les lignes est l’histoire de ce secret. Il faut remonter au 30 mars 1924. Jane travaillait comme domestique chez les Niven, dans le Berkshire. Pour la Fête des mères, ces aristocrates lui avaient donné sa journée. Ils avaient un pique-nique avec des amis au bord de la rivière. Jane en profite pour filer rejoindre le fils des voisins dans son manoir tout proche. Paul l’attend avec impatience. Leur liaison doit rester confidentielle. Les corps nus s’enroulent dans les draps blancs. C’est un adieu. Ils le savent. Ils s’en veulent. Dans onze jours, Paul se marie. Il épousera une femme de son rang, deviendra avocat. Il filera à l’anglaise : lui aussi est invité au déjeuner sur l’herbe. Pendant ce temps, la douce et pâle Jane se promène nue dans la maison vide. Elle s’arrête devant les portraits d’ancêtres, s’attarde dans la bibliothèque où elle caresse d’un doigt la tranche des livres reliés en cuir, respire le parfum des fleurs dans les vases. Dans la cuisine, elle dévore du pâté en croûte, boit une bière au goulot, allume une cigarette avec un plaisir non dissimulé. Elle a intérêt à savourer ces instants. Elle ne les oubliera jamais.
Qu’est-il arrivé à Eva Husson ? La Française avait ennuyé avec des adolescents adeptes de gang bang, s’était fourvoyée sur les traces de combattantes au Kurdistan. La voici posant le pied avec une délicatesse inouïe dans une Grande-Bretagne pelouseuse à souhait, adaptant un roman de Graham Swift. Le film est d’une lumineuse sensualité. Il flotte sur ces images soignées un intense sentiment de perte, l’imminence d’un danger. On y sent la naissance d’une vocation, le tremblement d’un monde qui s’enfuit, de l’audace et de la transgression. É.N.
L’air de la mer rend libre – À voir
Drame de Nadir Moknèche, 1H30
Le regard, la bouche, le front, tout est boudeur chez Hadjira. Elle n’avait pas envie d’être là. Sa mère, étouffante, lui a forcé la main. Pour qu’elle la donne à Saïd, personnage principal de ce film au ton doux, à la mise en scène élégante, judicieusement secondée par une bande-son jazzy. Saïd comme Hadjira ont un passé à occulter, un secret à cacher. Leur mariage servira de voile apposé sur leurs vies et personnalités trop différentes des autres pour ne pas être honteuses : elle a fait de la prison, il est homosexuel. Les deux ont péché aux yeux de leurs milieux conservateurs musulmans.
Mais le réalisateur se garde bien de proposer un film accusateur, où les familles agiraient cruellement et les enfants camperaient des victimes héroïques. Les parents de Saïd sont aimants, veulent le bien de leurs enfants. Simplement les traditions pèsent comme une chape de plomb. Alors, de la même façon qu’il n’osera rien à dire à Hadjira une fois mariés, le jeune homme n’a jamais évoqué son orientation sexuelle avec son père et sa mère. Il a tu son secret, que tous connaissaient, et s’est plongé dans la violence d’ébats sans lendemain. Saïd regarde sa nouvelle épouse s’ennuyer, dresser la table, rêver d’un couple véritable. Pas très courageux, lui songe à Vincent, un trompettiste barbu qu’il a aimé dans le passé. Leur vie quotidienne se tapisse de non-dits. Hadjira sympathise dans la rue avec une voisine, qui est son exact contraire : Fariza, incarnée par Zahia Dehar, ex-escort girl devenue une vraie actrice avec Une fille facile en 2019. On ne peut pas dire que celle-ci joue bien, elle déroule plutôt sa propre partition de créature désirable que sa beauté rend altière. Et cela fonctionne. Hadjira dessille à son contact et tente, en vain, de parler à Saïd. L’air de la mer rend libre s’arrête au moment où les faux mariés commençaient à se comprendre, se parler et se demander comment cohabiter. Ils allaient se rendre compte qu’ils se ressemblaient, finalement, tous les deux. Hadjira allait enfin pouvoir arrêter de bouder. B.P.
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