De 1992 à 2015, de jeu d’aventure légendaire à TPS multijoueur insipide, de grigri à porte-malheur… La licence Alone in the Dark a connu des hauts célestes et des bas infernaux. Le mal enraciné dans certains de ses épisodes a failli enterrer la franchise à plusieurs reprises. Mais s’il y a bien une chose que le vaudou nous a apprise, c’est qu’il existe des forces supérieures à celles de notre nature capables de revenir des abysses plus puissantes que jamais. Les malédictions dont l’enquêteur de l’étrange Edward Carnby essaie de se dépêtrer depuis plus de 30 ans sont-elles enfin derrière lui ?
Conditions du test
Nous avons joué à Alone in the Dark sur Xbox Series X. Nous avons terminé les 2 scénarios en 15 heures environ.
Chassez le surnaturel, il revient au galop
Dans la pénombre moite de la Louisiane, même vos yeux vous trahiront. Quant à vos souvenirs, ils s’évaporeront comme une flaque d’eau devant un feu ardent, avant de revenir dans votre cervelle tel le pic à glace d’un docteur. Oubliez tout ce que vous pensez connaître de l’histoire d’Alone in the Dark. Bien qu’elle s’inspire des événements du jeu vidéo fondateur créé par Frédérick Raynal en 1992, l’œuvre du studio suédois Pieces Interactive n’est ni un remake, encore moins un remaster. À l’instar des essaims de moustiques tueurs qui menacent le Bayou, les artistes embauchés par THQ Nordic puisent dans le sang de l’illustre papa français du Survival Horror pour nourrir leur rejeton.
Comme il y a 32 ans, nous retrouvons Edward Carnby et Emily Hartwood piégés dans le manoir hanté de Derceto. Sauf que dans cette réinterprétation du mythe, les deux protagonistes pénètrent dans la bâtisse maudite ensemble, la jeune femme s’étant payé les services du détective afin qu’il l’aide à percer le mystère qui entoure l’état de son oncle. Car oui, ici, Jeremy Hartwood n’est pas mort, quand bien même il aurait des démons à ses trousses. Le pauvre gars, patient du Dr Gray – dont le cabinet se trouve entre les murs exigus de l’imposante demeure – a eu le temps d’avertir sa nièce qu’un danger le guettait. La suite de l’aventure égrène les clins d’œil destinés aux fans comme un enfant sèmerait des cailloux pour ne pas se perdre en forêt avec la présence du talisman, de l’horloge, du piano, de l’arbre colossal (entre autres) aux confins d’un récit inédit officiellement pensé à la fois pour plaire aux néophytes et aux vétérans.
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Dès la fin de l’envoûtante cinématique d’introduction, le joueur est invité à choisir le personnage qui va être malmené pendant les neuf prochaines heures de jeu. Le duo se sépare dès les premiers instants de l’aventure, ne se reformant qu’à de rares reprises. Deux scénarios ne sont pas de trop pour comprendre les méandres de cette drôle d’histoire. Malheureusement, si vous espérez deux campagnes différentes à l’instar de l’épisode The New Nightmare sorti en 2001, vous risquez d’être déçu. À deux ou trois détails près, le périple de Carnby et d’Hartwood sont identiques. Certes, les cutscenes varient et il y a quelques écarts, notamment dans les rencontres avec les PNJ, mais il n’y a finalement qu’une seule séquence jouable dédiée à l’un et à l’autre des deux scénarios. En d’autres termes, c’est mieux qu’en 1992 où les deux héros vivaient la même aventure à 100 %, mais nous sommes loin de ce qu’avait accompli le quatrième volet.
Parole de développeur
La Digital Deluxe Edition du jeu propose d’activer des commentaires audio des réalisateurs du jeu, mais aussi de Frédérick Raynal ! Une super idée qui nous rappelle ce que faisait Valve avec ses créations, qui aurait dû être dans la version de base pour que tout le monde puisse en profiter. N’hésitez pas à les écouter pendant votre second run, ce qui est dit est très intéressant. Par contre, ces commentaires ne sont qu’en VO (anglais) non sous-titrés.
L’horreur est humaine
Dans son expression la plus pure, cet Alone in the Dark cuvée 2024 est un jeu d’action-aventure/Survival Horror en vue à la troisième personne (caméra épaule) se déroulant dans un univers lovecraftien. Il demande d’explorer des niveaux linéaires à la recherche de clés, d’objets ou d’indices pour résoudre des puzzles. Des créatures belliqueuses sont bien sûr de la partie pour agrémenter les déambulations. Le titre se sert de Derceto comme d’une sorte de HUB central à partir duquel les héros sont envoyés dans des niveaux particuliers en fonction du script.
Survival Horror oblige, les allers-retours sont fréquents, tandis que les jumpscares – plus ou moins réussis – tentent de temps à autre de casser la routine. Si la création de Frédérick Raynal se faisait un malin plaisir de nous tuer en une seule fois à cause d’un couloir traversé trop rapidement ou d’un livre maudit lu sans sourciller, la production de Pieces Interactive se contente de nous bousculer via des téléportations soudaines à l’intérieur de versions alternatives des endroits que l’on visite pour un résultat efficace, à défaut d’être radical.
Largement orienté action par rapport au titre de 1992 sans pour autant verser dans le TPS bête et méchant, Alone in the Dark nous octroie trois pétoires (flingue, fusil à pompe, mitraillette) ainsi que diverses armes de corps à corps pour nous aider à renvoyer les monstres infernaux là d’où ils viennent. Très proche du remake de Resident Evil 3 (2020) dans sa maniabilité grâce à la possibilité d’esquiver les coups, le soft se heurte à des choix de design discutables. À l’instar des derniers Silent Hill, les armes blanches sont destructibles, et contrairement à Resident Evil, les armes de jets ne peuvent pas être stockées. Ce qui était un vrai plus dans le volet de la série conçu par Eden (2008), à savoir le craft de cocktails molotov aux effets multiples, ne sert ici que d’élément vaguement contextuel. Les briques et bouteilles trouvées sont à jeter dans les instants qui viennent, sinon rien.
Même s’il était sorti en 2008 face à Dead Space, cet Alone in the Dark de THQ Nordic aurait souffert de la comparaison à cause de dégâts qui ne sont pas localisés, de combats manquant de saveur car imprécis, d’une intelligence artificielle lambda et d’une économie de moyens trop perceptible (peu d’armes/ennemis différents). Alors imaginez en 2024 ! Certes, il est possible de se déplacer silencieusement pour ne pas rameuter tous les adversaires, mais cela ne gomme pas les limites constatées.
La lourdeur générale des déplacements, la lenteur du mode visée quand on s’équipe d’une arme de jet ou encore l’absence d’un demi-tour rapide pourraient être mortelles si nous n’étions pas face à un Survival Horror à l’ancienne. Le genre s’est souvent servi de héros endimanchés afin d’engendrer un sentiment de peur chez l’utilisateur, même si cela peut lui causer du tort. Ceci étant dit, nous aurions aimé ne pas être aveuglés par des éléments du décor qui se “coincent” entre la caméra et le personnage, au moment de viser. C’est sympa de mettre des lieux étriqués pour générer du suspense, mais si c’est pour ne rien voir au moment de mettre en joue…
Hell is back again
Les soucis d’expérience utilisateur se constatent comme la mousse qui défigure l’écorce avec un héros représenté par un point au lieu d’une flèche sur la carte (ce qui nuit à la bonne orientation), des troncs couchés/petits éléments au sol impossibles à enjamber, et plus globalement des collisions erratiques. Les puzzles, relativement nombreux, exposent à eux seuls un game design assez poussiéreux. Les documents nécessaires à la résolution des énigmes se trouvent dans un menu accessible en affichant l’inventaire, puis en trouvant le document, et enfin en dénichant la bonne page avec LB/RB. Quand vous êtes devant le puzzle à déchiffrer, aucun affichage rapide des documents n’est proposé. Si vous souhaitez regarder une nouvelle fois dans les pages d’un livre important, vous devrez quitter la fenêtre de l’énigme et répéter la même combinaison : Back, sélection du document, LB/RB.
Sur certains points, ce nouvel épisode d’Alone in the Dark fait même moins bien que son illustre grand frère sorti en 1992, qui essayait – à sa manière – de construire des énigmes plus systémiques (caisse à pousser sur une trappe, armoire à mettre devant une fenêtre). Une philosophie reprise par l’opus d’Eden dont Pieces Interactive se défait. La majeure partie de son temps, le joueur doit trouver des clés pour ouvrir les nombreuses portes de la bâtisse et résoudre des puzzles (littéralement, avec des pièces à mettre dans le bon ordre). La petite originalité repose sur l’utilisation d’un talisman, qui, à l’image du Conundrum de The Last Case of Benedict Fox, permet de résoudre des casse-têtes. On aurait été en droit de s’attendre à mieux, même si tout s’intègre convenablement à la narration.
Au niveau des choses agréables, le soft fait de son mieux pour que le joueur n’ait pas à retourner tout le manoir afin de trouver la solution à un problème. La difficulté est d’ailleurs personnalisable à tout moment pour rendre les combats comme l’exploration plus faciles/ardus. Que vous aimiez ou non vous creuser la tête, vous ne devriez jamais bloquer trop longtemps sur une énigme… à l’exception de celle du coffre-fort de la Pregzt Company. Cette dernière, un peu plus tirée par les cheveux que la moyenne, devient profondément absconse pour qui ne parle pas un minimum anglais, la traduction française du document servant à la résolution étant pour le moins approximative. Le patch day one survenu après la publication de ce test a néanmoins amélioré les choses.
Non, nous n’allons pas le renier, il y a bien un feeling old-school loin d’être déplaisant qui se dégage de la production de THQ Nordic, avec sa visite d’un cimetière qui rappelle Nocturne, ou les pérégrinations dans une ville embrumée aux accents de Silent Hill. Versant plus dans le jeu d’aventure lovecraftien que dans le Survival Horror bourré d’action, cet Alone lorgne du côté de Soma plutôt que de Resident Evil. C’est en tout cas ce que nous préférerons penser afin d’éviter une confrontation directe avec le remake de RE 4, qui fait mieux sur quasiment tous les éléments de comparaison.
Hartwood, cœurs à vif
Sans être d’une beauté renversante, Alone in the Dark réussit à flatter la rétine grâce à une direction artistique de premier ordre. L’architecture italienne de ce Derceto perdu en Louisiane fait mouche ! Les musiques jazzy – qui font là encore penser à celles de The Last Case of Benedict Fox – participent à la création de cette folie lynchienne qui envahit chaque couloir de la demeure, tout en provoquant une singularité avec les autres Survival Horror du marché. Pour une fois que l’on évite les guitares sèches, bruits saturés de percussions et autres nappes de synthé lancinantes. Les effets spéciaux, quant à eux, auraient mérité d’être plus détaillés. Des bugs graphiques et surtout sonores sont malheureusement à signaler, ce qui est regrettable pour l’immersion. Cependant, aucun problème de script n’est à déplorer, contrairement aux chutes de framerate bien présentes à divers moments.
Vous l’aurez sûrement compris, dans ses mécaniques de jeu et dans sa manière d’embrasser le Survival Horror, Alone in the Dark n’essaie pas de réinventer la roue, quitte à en prendre une au caoutchouc quelque peu usé pour faire tourner les rouages de Derceto. Mais qu’en est-il de son expérience narrative ? Sa mise en scène est-elle à la hauteur ? Fait-il peur ? À qui s’adresse-t-il vraiment ? Soyons clairs : malgré ce que nous pouvons lui reprocher dans son gameplay et dans le manque d’inventivité de ses énigmes, cet Alone in the Dark est sûrement le plus bel hommage qui a été fait à la série depuis très longtemps. Une aventure imparfaite dans son fond comme sa forme, mais sincère dans ses démarches.
Car oui, Alone in the Dark a des choses à raconter. Par l’intermédiaire de ses deux héros plutôt bien interprétés par David Harbour et Jodie Comer, bien sûr, mais aussi via d’autres protagonistes, ce qui est inédit par rapport à l’expérience de 1992. Edward et Emily ne sont plus vraiment seuls dans les ténèbres cette fois-ci, et les âmes perdues qu’ils croisent à Derceto réservent des dialogues savoureux. Les expressions faciales sont un peu robotiques et la VF n’est pas irréprochable, mais le soft a la bonne idée de nous donner l’opportunité de jouer en VOST. Mieux vaut être mal accompagné que seul : dans cette bâtisse maudite, les PNJ apportent leur pierre à l’édifice du malaise. Non, Alone in the Dark ne vous terrorisera pas, mais son ambiance saura vous transporter dans son récit cauchemardesque.
Le scénario, intrigant dans ses premiers instants, livre de bonnes surprises jusqu’à se permettre quelques délires méta. De notre point de vue, ce titre s’adresse avant tout aux fans des deux premiers volets (pour le fond), ou aux amateurs de jeux d’aventure horrifiques à l’ancienne (pour la forme). Comme nous l’avons déjà écrit, la production de Pieces Interactive sait jouer avec les attentes des fans (le grenier, s’ouvrira ? S’ouvrira pas ?) tout en dispersant quelques subtils clins d’œil aux précédents volets (les noms de la dream team d’Infogrames par-ci, des objets/créatures/musiques célèbres par-là). Mais il va plus loin que ce à quoi nous pouvions nous attendre. À bien des égards, Alone in the Dark n’est pas qu’une revisite de la première trilogie. Si vous voulez toutes les clés du manoir de Derceto, il va vous falloir plonger dans les livres, les vrais. Ceux qui relatent de la folle aventure d’un petit groupe de personnes, qui, en 1992, ont donné vie à Edward Carnby et au survival-horror 3D en tuant Jeremy Hartwood.
Conclusion
Points forts
- Ambiance lovecraftienne réussie
- Une interprétation intelligente du mythe d’origine qui séduira les fans
- Pas mal d’options pour personnaliser la difficulté, et présence de VOST/VF
Points faibles
- Game Design poussiéreux (mécaniques, structure, énigmes), sans idée marquante
- Maniabilité inconfortable (problèmes de caméra, lourdeur des déplacements)
- Techniquement inégal (animations datées, effets spéciaux peu nombreux, ralentissements)
- Des bugs visuels et sonores
Note de la rédaction
13
Jeu d’aventure-action lovecraftien à l’ancienne plutôt que Survival Horror frénétique, Alone in the Dark se permet une ré-imagination intéressante des épisodes fondateurs. La nostalgie se heurte malheureusement à la désuétude : même le fan hardcore de la licence aura du mal à passer outre des systèmes trop archaïques. Nous aurions apprécié que, libéré des chaînes des AAA aux budgets faramineux et du besoin de faire obligatoirement mieux que ses concurrents, le titre de Pieces Interactive tente plus de choses, fasse différemment, s’autorise une certaine radicalité. Il n’en est rien. Une aventure avec un grand “AA”, imparfaite dans son fond comme sa forme, mais sincère dans tout ce qu’elle entreprend.
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