Théoriquement inclus dans la nouvelle vague japonaise des années 1960, Masahiro Shinoda, aujourd’hui âgé de 92 ans, est un peu le paria du groupe. Peu de ses films ont été distribués en Occident et de façon aléatoire. Après Silence (1971), sorti dans la foulée du remake qu’en a fait Scorsese, on découvre Fleur pâle (1964). Un chef-d’œuvre du film noir qui condense admirablement tout ce que Wong Kar-wai a tenté de faire sans jamais y arriver complètement : grâce, romantisme, mystère et violence. L’opacité du récit contribue à la réussite de ce thriller qui n’est ni inaccessible ni obscur, mais troué d’ombre et de non-dits. Cela démarre un peu comme un film de Melville avec la sortie de prison d’un yakuza, Muraki. Taiseux et taciturne, il fréquente un cercle de jeux. Là, il fait la connaissance d’une frêle et jolie jeune femme, Saeko, encore plus énigmatique que lui, qui joue toujours gros. Il l’aiguille vers une autre salle où les enjeux sont plus élevés et une relation sentimentale peu explicite se noue entre eux.
Au-delà de ce schéma relativement classique, le film fascine par son noir et blanc époustouflant, par la grâce de ses acteurs – dont la peu connue mais sublime Mariko Kaga –, par le rituel exotique des scènes de jeu, qui génère à lui seul le suspense. Des hommes en costume sont agenouillés en rang autour d’un rectangle éclairé. Là, ils doivent miser sur une combinaison de petites cartes retournées représentant des végétaux (d’où le titre du film, sans doute).
Hédonisme des sixties et Dolce vita version samouraï
On n’en saura guère plus, si ce n’est qu’au milieu de ces yakuzas sévères Saeko crée la sensation. Qui est-elle, d’où tire-t-elle son argent ? On a à un moment l’impression qu’elle est prostituée, mais rien ne le confirme. Bref, l’enjeu de ce film n’est pas la lisibilité. Ici, ce sont les impressions qui dominent, même sur le plan policier. Comme souvent, ce qui meut les gangsters japonais, c’est la lutte pour un territoire. Donc la rivalité entre bandes. Mais certaines des séquences les plus réussies échappent à ce contexte. Comme la folle course nocturne de Saeko au volant de sa voiture décapotable, qui clame avec une exubérance extatique tout le credo hédoniste des sixties (vitesse, jeunesse, risque, plaisir). Dolce vita version samouraï.
Le morceau de bravoure reste néanmoins le classieux assassinat d’un chef de gang par Muraki dans un night-club. Meurtre à l’arme blanche mis en scène avec une élégance inouïe, corroboré par un choix musical des plus surprenants. Alors que tout le film est accompagné par la composition semi-bruitiste, semi-jazzy du génial musicien Toru Takemitsu, cette scène sans son repose exclusivement sur un morceau de Purcell, le lamento suicidaire de Didon dans Didon et Énée. Idée opératique très en avance sur son temps, et nullement chichiteuse, tant la douleur poignante exprimée par la chanteuse Janet Baker (en 1961) s’accorde avec le masochisme du yakuza, qui sait que le meurtre qu’il commet va causer sa perte définitive. Shinoda gagne sur tous les tableaux et incite à aller creuser dans sa filmographie pour dénicher d’autres pépites. Avis aux distributeurs !
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