« Connaissant les attentes des Réunionnais, et fort de mes propres accointances avec ce genre musical, étant moi-même un jazzman et saxophoniste converti depuis des décennies, je n’ai eu de cesse d’activer le renouveau d’un festival de jazz à Saint-Gilles », lance le boss des théâtres départementaux lors d’une conférence de presse dans les locaux du Dina Morgabine, à la Saline, où sont hébergés les premiers des musiciens invités. Ils sont représentés, en cette matinée, par le guitariste et directeur du SWR, l’Allemand Hans-Peter Zachary et son magistral tromboniste belge, Marc Godfroid. Un mot, s’il en était besoin, sur l’esprit de cette manifestation ? « Eclectisme, sans hésiter », choisit Thierry Boyer. « Le mot qui convient pour parler d’un programme accueillant aussi bien la voix d’une soul diva des USA, que le souffle de nouveauté du saxophoniste français Léon Phal… A eux deux, ils représentent les extrêmes entre lesquels est conçu ce va-et-vient entre tradition et fusion, pour construire des ponts entre le monde et la Réunion. Témoin cette première soirée où Meddy convie ses dalons du SWR et leur réputation, qui nulle part n’est plus à faire, et nous a semblé mériter la carte blanche de cette manifestation », explique le directeur des Teats se déclarant personnellement « scotché » par cette aubaine. « Car il est rare en cette île d’avoir l’occasion d’accueillir la vingtaine de musiciens d’une telle formation. Je dois préciser que ce n’est que le point de départ de mes projets en la matière, ayant à coeur d’impulser aussi, pendant mon mandat, d’autres événements, dont l’un élargi au jazz de l’océan Indien, l’autre à destination du jeune public et aussi un festival de musique classique, d’ici un an, sachant que la saveur singulière de ce Jazz en l’Air, pour moi, s’imposait en premier ».
A la question posée sur le potentiel financier et organisationnel d’une manifestation qui, compte tenu de l’éloignement de la Réunion, requiert moyens et soutien d’exception, Boyer reconnait, sans préciser le coût des opérations, que sans les deniers du Département et sans les conseils éclairés de ses associés de Jazz Reynion (voir encadré) le projet aurait pris des détours pour voir le jour et dû lésiner sur la qualité.
Cap sur le jazz indiaocéanique
« Il n’aurait pas non plus pu s’accompagner des rebondissements prévus en collaboration avec le MAma Jazz Festival mauricien (le Sumrra trio d’Espagne y joue en amont de notre Jazz en l’Air) sachant que je compte bien, pour la suite des opérations, opérer une extension avec l’Afrique Australe, où j’ai choisi de me rendre prochainement entre Le Cap et le Mozambique pour ouvrir les frontières et élargir nos horizons de concert », annonce, confiant, le sieur Boyer.
Il pourra, on l’imagine aisément, s’appuyer sur l’expérience de ses aînés et aussi de musiciens comme Jozefin’ et autre jazzmen qui n’ont pas attendu 2024 pour nourrir cette ambition d’union musicale dans notre région. Une union méritant, forcément, de plus larges audience et vision à l’échelle mondiale. S’impose spontanément dans la conversation le nom de Paul Mazaka, aux première loges de ce projet, lui qui préside aux destinées du mandat départemental de Thierry Boyer, et qui comme chacun sait, maîtrise d’expérience la connaissance du sujet dont il a été, à la Réunion, l’un des pionniers (invitant entre autres mémorables pointures sud-africaines Johnny Clegg and Savuka qui nous ont tous enchantés… dans la durée).
D’apartés en apartés, l’hôte du festival en vient à mentionner l’aspect « transmission » de cette manifestation qui prévoit, comme il se doit, des interventions de ses musiciens au Conservatoire et dans les écoles de musique, celle de l’Ouest comme celle de Saint-Jo et aussi à l’EMA de Saint-Leu, sans oublier des rencontres professionnelles avec le PRMA. Avec aussi des innovations appelées à perdurer toute l’année comme les « Jazz à la Kaz » dont va nous parler Mustapha Terki, juste après. « Pas de complexe de la goyave de France chez nous ! » s’enflamme soudain Boyer, débarquant en pays conquis dans cet univers jazzy qui ne connait pas les frontières.
« Mon maloya ouvre la voie ! »
Il est grand temps pour Meddy de donner son avis et d’apprécier, lui aussi, le rôle premier qu’il joue ici. Depuis le début de la rencontre, il interprète les propos échangés, dans cet anglais devenu pour lui familier au fil de ses concerts à l’étranger, à l’intention du directeur du Big Band (à sa droite sur la photo), son voisin de gauche (sur le même cliché) le guitariste belge du SWR, étant francophone. Rayonnant, le pianiste réunionnais raconte alors l’invitation qu’il a reçu lui, en 2023, à jouer avec le SWR à Stuttgart grâce à l’intervention du jeune saxophoniste Jakob Manz, (l’un des virtuoses apprécié ce mois ci à la Réunion) qui avait tant flashé, il y a quelques années sur le répertoire de Meddy, qu’il a joué les intermédiaires pour lui là-bas. « La révélation du maloya pour le public de ce Big Band adulé, comme pour ses musiciens qui ne connaissaient rien de cette musique et qui ont bossé dur avant de pouvoir l’apprécier pleinement pour l’interpréter avec le plaisir espéré, vous allez pourvoir vérifier. Là-bas, en Allemagne, c’est Magnus Lindgren qui a réalisé tous les arrangements de mes titres et je ne le remercierai jamais assez d’avoir joué les bonnes fées pour moi sur ce concert-là, m’offrant, comme jamais auparavant, le rôle de porte-parole de la musique de mon île (Voir le lien video https://www.youtube.com/watch?v=WYZEaReVc18). Alors vous imaginez la joie de pouvoir les recevoir ici, pour m’accompagner sur la plus belle scène qui soit, chez moi ? Le SWR est partenaire lui aussi de ce projet festivalier réunionnais… Et il se pourrait bien qu’un enregistrement vienne ajouter bientôt une cerise sur ce gâteau de concert partagé ! » Seul regret manifesté par le pianiste, l’absence pour le concert ce soir de son complice bassiste de longue date, Michel Alibo , qui ne débarquera pas avant la semaine prochaine avec Sixun programmé lui aussi comme l’un des temps forts de ce Jazz en Plein Air, sachant qu’alors SWR aura levé le camp pour d’autres horizons. « Mais on reviendra ! », promettent en choeur métissé franco-anglais, Marc Godefroy et Hans-Peter Zachary, qui comme leurs acolytes Klaus, Matthias, Andi, Ulrich, Pierre, Antoine, Jorg, Martin, Karl , Jurgen, Lukas, Georg, Guido, Franck et Rhani d’ici la fin de la semaine nous donneront en créole du « nou’rtrouv ! » grâce à Meddy et aussi à cet autre complice péï du Big Band qu’est désormais le bassiste Johan Saartave.
Marine Dusigne
Ce soir jeudi Meddy Gerville et le Big Ban de SWR au Teat plein Air à 20h.
> Partenaires experts !
Enchantés de retrouver sur le pont festivalier d’une si belle occasion musicale, Mustapha Terki, « le défricheur de talents », l’homme d’Aubervilliers qui il y a plus de trois décennies a su imposer et diriger le Printemps de Bourges dans la Mère patrie comme ici, où il est finalement revenu il y a peu faire son nid après avoir doté le Québec il y a dix ans d’un méga festival de musique électronique. Un fidèle qui comme son ami Alain Courbis à la Réunion, n’en finit jamais de brandir le pavillon des musiques du monde et du jazz en particulier pour lequel les deux larrons se retrouvent aujourd’hui encore au nom de leurs associations Musicouleurs, créée comme antenne réunionnaise du Printemps de Bourges à la Réunion en 1990 et, toute neuve pour l’occasion, Jazz Reynion. « Avec Alain et Sonya Mazumdar la fondatrice et productrice de EarthSync, qui travaille aussi avec le MAma festival à Maurice,nous sommes ancrés de plain pied dans le réseau de l’océan Indien et c’est Paul Mazaka qui nous a mis en contact avec Tierry Boyer pour renforcer la team Jazz en l’Air, » nous raconte Mustapha qui a toujours une ou deux tirades en réserve sur la note bleue genre « le jazz a horreur du vide ! » pour justifier sa passion et sa créativité. « Oui, nous avons participé à la programmation et orchestré en marge des concerts les rencontres professionnelles gratuites (et sur résa) du 23 avril à 14h pour quelques centaines de personnes concernées, dans les locaux du CRR Cimendef à Saint-Paul. L’idée ? Faire un état des lieux du jazz et autres espace de diffusion, productions, partenariats etc sachant qu’une majorité de jazzmen jouent dans les bistrots et pas dans les meilleurs conditions. Ou comment, en ce domaine, passer à la création. Et aussi, de la passion transiter vers la transmission, en instaurant trois ou quatre événements par an et en inaugurant notamment un réseau de Jazz à La Kaz toute l’année comme nous le ferons le 21 avril au coeur de ce festival« .
> SWR légendaire !
Le temps passe vite mais pas assez pour nous priver de quelques mots partagés avec le directeur du Big Band, Hans-Peter Zachary qui se montre heureux d’être ici et dissert sur son métier de musicien, et sur l’orchestre dont il a la charge depuis 2008 en qualité de manager. Avant d’en arriver là ? « J’ai d’abord étudié la guitare aux Etats Unis avant de devenir aussi journaliste tout en restant musicien, et de travailler pour la radio publique dans mon pays, à Berlin, pendant vingt ans. Jusqu’à ce que l’un des mes interlocuteurs à l’antenne et confrère en musique me dise un jour que je serais le type idéal pour diriger le Big Band SWR (ayant un savoir musical, l’expérience du management, avec les connaissances requises pour la production et la communication…) l’orchestre recrutant une nouvelle tête ! J’ai tenté le coup et ça a marché ! » (sourire). Quand on demande à Hans ce que la musique lui apporte, il répond d’un mot : « Tout ! » Avant d’ajouter : « J’y travaille chaque jour en plus de tout le reste, sans cesse à l’écoute du Big Band et de ses interprètes, à évaluer, écouter sans arrêt pour peaufiner notre musique et quand vient le concert, je sais exactement pourquoi je suis là et que je fais ce job ! », constate en riant l’homme qui assure plus de 50 concerts par an avec le SWR et comme il dit ne se contente pas découper « car je vois aussi de près les publics, je comprends ce qui leur plait et ce qu’ils veulent entendre ce qui ne fait qu’attiser la réflexion pour mieux passer à l’action », explique t-il en précisant que c’est toujours une joie de pouvoir innover avec de nouveaux talents comme ce fut le cas avec Meddy dont Jakob lui avait parlé. Parce que sans oublier jamais d’où loin vient on a besoin de fraîcheur d’ouverture de nouveauté en de cet effet boomerang qui nous impose d’évoluer sans se perdre, et qui marche vraiment la plupart du temps pour attiser la flemme ! Meddy ? il a été « the surprise » de notre programme spécial soul ! Un atout pour une formation qui compte huit nationalités différentes et qui n’avait jamais entendu rien de pareil pour un concert où tout le monde, de la scène aux travées, avait envie… de danser ! Alors vous pensez si on est impatients de renouveler l’exploit au pays du maloya ! Quelle félicité ».
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