Le « guitar hero » était en concert mercredi à Lyon. Un show majoritairement dédié au blues qu’il propose à nouveau ce vendredi aux Arènes de Nîmes. .
Publié le 31/05/2024 12:25
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Lorsque le chanteur breton Rover, assurant la première partie du spectacle, est monté sur la scène de la toute nouvelle salle lyonnaise LDLC Arena mercredi 29 mai pour jouer son rock mélodique, il était visiblement très ému en réalisant ce qu’il était en train de vivre : « Je pense que vous pouvez imaginer ce que c’est dans la vie d’un musicien d’ouvrir pour quelqu’un comme Eric Clapton »… En effet, c’était bien une légende vivante du blues et du rock qui jouait à Lyon. Bientôt octogénaire, l’année prochaine, et déjà plus de soixante ans qu’il traverse la musique populaire depuis ses débuts avec les Yardbirds en 1963, la légende de la guitare n’était pas revenue dans la capitale des Gaules depuis novembre 1978, si on excepte son concert à Jazz à Vienne en 1997 avec Marcus Miller.
On n’espérait d’ailleurs plus le revoir, tant ses concerts en France s’étaient faits rares ces dernières années. Et ses récents ennuis de santé n’auguraient rien de bon quant à la poursuite de ses tournées. Alors apprendre qu’Eric Clapton venait non seulement fouler le sol hexagonal, mais en plus dans trois villes différentes – Paris, Lyon et Nîmes – relevait du miracle. Pas si étonnant que ça pour celui qui a été surnommé « God » dans les sixties. Si on ajoute à cela le fait que le guitar-hero semble avoir retrouvé sa dextérité aussi bien guitaristique que vocale, on se dit qu’on a assisté a sans doute un des derniers grands moments de la carrière d’un mythe de la musique du vingtième siècle.
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Dès l’ouverture, l’instrumental Blue Dust annonce la couleur : il y aura de la guitare, du gros son, peu d’effets, et un Clapton qui envoie du lourd. La plupart du temps les yeux fermés, le guitariste joue sans fioritures et obtient ses différentes intonations en jouant uniquement sur le volume de l’instrument.
Avant d’empoigner sa célèbre Stratocaster noire dans la seconde partie du concert, « Slowhand » (l’un des surnoms du chanteur) arbore d’abord un modèle aux couleurs du drapeau palestinien, une cause qui lui est chère et qu’il défend dans son dernier single Prayer of a Child, illustré en concert par des images du clip. Ce morceau est apparu en bonus de son album live To save a child, dont les bénéfices sont reversés aux enfants de Gaza.
Une prise de position de plus de la part de l’artiste qui avait déjà suscité des polémiques avec ses déclarations durant la crise du Covid. Mais sur scène, Clapton n’est pas du genre à se lancer dans des discours à la Roger Waters. Tout juste un « bonsoir, nice to see you » avant d’entamer la partie acoustique du set composée de quatre titres.
Le countryesque Back Home où le guitariste affiche un jeu en fingerpicking qui ne lui est pas habituel, le blues Nobody Knows You When You’re Down and Out, la surprise Golden Ring, très belle ballade issue de son album Backless en 1978, et enfin le poignant Tears in Heaven. La chanson dédiée à son petit garçon Conor décédé en 1991 prend ici un tempo plus enlevé que dans sa célèbre version d’origine.
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En six décennies, Eric Clapton a largement exploré de nombreux styles musicaux. Et avec une discographie imposante, impossible d’en faire le tour, surtout dans un concert qui ne dépasse pas une heure trente minutes, rappel compris. Alors, il y a bien quelques tubes rock comme Badge, co-écrit avec George Harrison, ou l’incontournable Cocaine qui clôt le set avant le rappel en prenant des airs d’abord funky par le solo de synthé de Tim Carmon, puis presque ragtime avec le piano du vétéran Chris Stainton, avant un final assourdissant. Le morceau, qui donne l’occasion au public de se ruer vers la scène, est introduit par un moment suspendu où le bassiste Nathan East, lui aussi accompagnateur de Clapton de longue date, délivre une interprétation aérienne de Close To Home de Lyle Mays.
On trouve aussi Got to Get Better in a Little While avec sa wah-wah rugissante et son solo de batterie qui rend le chanteur-guitariste presque hilare. Un morceau qui aurait dû figurer dans le second opus de Derek and the Dominos, un album qui n’a malheureusement jamais vu le jour de façon officielle.
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Mais globalement, le reste de la setlist est majoritairement centré sur le blues. Key to the Highway de Freddie King, Hoochie Coochie Man de Willie Dixon, That’s All Right de Jimmy Rogers, Crossroads et Little Queen of Spades de Robert Johnson et enfin Before You Accuse Me de Bo Diddley en rappel, autant de standards qui rappellent que Clapton a consacré sa vie au blues. Un blues qui se fait gras et rugueux comme dans l’intro très fuzzy de Crossroads, ou au contraire jazzy avec les interventions des deux excellents claviéristes Tim Carmon et Chris Stainton.
Little Queen of Spades est d’ailleurs l’occasion d’offrir aux musiciens un espace pour exprimer leur virtuosité. Le batteur Sonny Emory dégage une frappe puissante, tandis que le second guitariste Doyle Bramhall II brille par quelques interventions remarquées avec son jeu spécifique de gaucher aux cordes inversées. « God » quant à lui conclut le morceau par un solo en changeant de tonalité, comme à la grande époque de Rambling on My Mind, sur le live E.C. was here en 1975.
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Et pour bien appuyer le propos, le titre en rappel n’est autre qu’un classique shuffle douze mesures. Alors que le public de Manchester le 18 mai avait eu droit à Sunshine of your love, c’est désormais avec Before You Accuse Me que Clapton referme tous ses shows. Du blues, encore du blues, toujours du blues… Le dieu de la guitare l’a vécu et l’a joué toute sa vie. À 79 ans, il continue de le ressentir pleinement sur scène. Si « Clapton is God », alors hier, même si on a pu regretter l’absence de Layla, White Room ou I shot the sheriff, on a eu l’impression d’être un moment un peu plus près de Dieu.
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