Il faut commencer par une soirée à l’Antico Spazzacamino, une taverne dans une rue reculée de Trieste. L’intérieur est un bric-à-brac de vinyles, cassettes et vieilles télés autour des tables de bois ou Formica, des instruments attendent près du comptoir. Entre jeunes et vieux, longues tablées d’étudiants et amants dans un coin, l’atmosphère est chaleureuse. La mer est dans les assiettes, délicieux gnocchis aux gambas ou spaghettis aux palourdes. Un homme prend la guitare pour un tube pop des années 1980, toute la salle hurle le refrain (« I really need you tonight/Forever’s gonna start tonight… »). Une ritournelle italienne et d’autres morceaux soulèvent les mêmes chœurs rigolards, un orchestre jazzy prend le relais avec Edoardo Supp, le créateur du lieu aux claviers. La bonne humeur s’attarde, plus communicative à mesure que coulent la bière et le vin blanc.
L’endroit est idéal pour réviser les idées reçues sur la ville des confins de l’Italie, qui traînerait sa mélancolie entre l’Adriatique et les collines calcaires du Carso. Qui ne serait que nostalgie pour une grandeur passée, quand elle était port franc de l’Empire austro-hongrois face à Venise, carrefour de trois mondes (italien, slave et germanique), brillante capitale cosmopolite avant de devenir italienne en 1919, zone frontière occupée puis éphémère « territoire libre » entre Est et Ouest après la seconde guerre mondiale et, enfin, provinciale italienne cultivant ses regrets et sa particularité. « Trieste, plus peut-être que d’autres villes, est littérature », a écrit Claudio Magris (Trieste, une identité de frontière, 1991, Seuil). Et cela peut être une malédiction quand, pour avoir hébergé et inspiré des géants comme James Joyce (1882-1941), Italo Svevo (1861-1928), Rainer Maria Rilke (1875-1926) et d’autres, elle est devenue étape obligée des « écrivains voyageurs ».
Depuis, une multitude d’auteurs ont ressassé la gloire déchue des Habsbourg et du commerce en traversant la vaste piazza Unita d’Italia ouverte sur la mer, avec ses palais néobaroques ou classiques couleur vanille. Ils ont pleuré la qualité de l’administration viennoise au gré des rues en damier du Borgo Teresiano, le quartier planifié sous Marie-Thérèse d’Autriche autour du Grand Canal. Ils ont filé la romance princière de Maximilien, frère de l’empereur François-Joseph, et de son épouse Charlotte de Belgique dans le château de Miramare posé sur son promontoire rocheux face au large, avec ses tourelles crénelées d’opérette et son beau parc à l’italienne. Ils ont guetté les fantômes dans les cafés historiques, le luxueux Caffé Degli Specchi (« café des miroirs »), le Tommaseo où Joyce ne buvait pas que du « capo in b » (version triestine du macchiato), le San Marco que l’on dirait de Vienne avec son décor Sécession, près de la synagogue aux dimensions de cathédrale.
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