Saint-Martin-Laguépie (Tarn), envoyée spéciale.
Jazzy, la plus vieille vache du troupeau, traîne des sabots en salle de traite. Elle n’est ni la plus rapide, ni celle qui produit le plus de lait. Cette bête de race abondance n’en a que le nom malgré les massages, matin et soir, de ses mamelles à l’aide de lingettes en tissu baignées dans l’eau tiède. Le même soin est réservé à ses 35 congénères. Le « masseur » et éleveur en agriculture biologique du Tarn, Jean-Baptiste Keruzec, prend ce temps pour chacune des vaches de son jeune troupeau.
Pas de course à la productivité pour cet homme de 51 ans, « le mur des performances étant, de toute façon, infranchissable ». Deux fois par semaine, le camion du laitier s’arrête devant sa cour à Saint-Martin-Laguépie, où des prairies vallonnées s’étalent sur 120 hectares, pour prélever sa récolte. Sa citerne repart chargée des 300 à 400 litres traits par jour, massage compris. Une production estimée à 150 000 litres par an, vendue au groupe Lactalis. « C’est vraiment peu et ça rapporte très peu par la même occasion », déplore Jean-Baptiste Keruzec.
« Même pas un tiers du prix »
Il y a pourtant des périodes où l’éleveur laitier voit son seau déborder de lait et les mamelles de ses vaches se tarissent moins vite qu’à l’accoutumée. L’herbe fraîche et les beaux jours du printemps rendent leur production plus importante. « Et ça, les laitiers l’ont bien compris », ajoute-t-il, soupe au lait, en évoquant la saisonnalité des prix. En été, lorsque la citerne se remplit le moins, le litre bio est payé le plus cher – 53 centimes – alors, qu’au printemps, il n’est vendu que 40 centimes. « Les consommateurs l’achètent en moyenne à 1,70 euro dans les supermarchés, ce n’est même pas un tiers du prix », regrette l’éleveur biologique.
« On est des smicards en pire », se désole Jean-Baptiste. Avec son associée, qui n’est autre que sa femme, ils gagnent entre 2 500 à 3 000 euros pour leur foyer, avec deux enfants de 11 et 14 ans. Pour partie, ce sont des aides sociales – 600 euros de prime d’activité et d’allocations familiales – qui leur permettent de vivre. Le reste se compose des aides de la politique agricole commune (PAC), 53 000 euros reçus en fin d’année, et des revenus de la vente du lait. « On vit à crédit : la maison, la voiture, l’exploitation le sont… » ; pas d’autre choix lorsque le travail, sept jours sur sept, de 6 heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, ne rémunère pas suffisamment pour vivre dignement.
Vers un autre modèle agricole
Jean-Baptiste Keruzec déverse un seau de graines mélangées, orge, blé et avoine – « surtout pas de maïs, la plante a besoin d’un système irrigué et l’eau, on en manque ! » – dans une mangeoire. Il utilise encore moins des tourteaux, résidus de l’extraction de l’huile des graines dont « la production rase la forêt amazonienne, et l’impact carbone explose ».
Les génisses se pressent pour engloutir les céréales qui ont été cultivées par Jean-Baptiste Keruzec, dans un champ voisin. Il y met un point d’honneur : tout ce qui est avalé par le cheptel de l’éleveur est issu de sa production. Pour preuve, 20 % du lait trait sert à nourrir les veaux. De grands chauffe-biberons permettent de le porter à 38 degrés préservant la flore intestinale des bébés – pas de diarrhée, ni maux de ventre pour les « p’tits ». Une perte économique certes, mais qui vaut bien ses valeurs.
Le seul engrais qu’il utilise est 100 % naturel : du fumier. « Je suis persuadé qu’un autre modèle agricole est à inventer, avec des pratiques vertueuses et une rémunération plus juste », plaide celui qui a intégré une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma) pour « tenter de changer les choses ». Il est désormais secrétaire général de la fédération du Tarn et administrateur des Éleveurs de la région de Ségur (ERS), qui compte 5 de ses 30 adhérents impliqués dans un modèle biologique. Il a pu y glaner des conseils pour développer la polyculture-élevage sur son territoire. Cultiver à la fois des céréales et élever des vaches permet de se rabattre sur l’une ou l’autre activité, en cas de pépin. « On peut plus facilement assurer ses arrières économiquement parlant », rassure Jean-Baptiste Keruzec. En attendant d’en vivre pleinement, Jean-Baptiste Keruzec se laisse aller à imaginer l’agriculture idéale : celle qui laisserait le temps aux agriculteurs de se former à l’agronomie, d’aménager le territoire en accord avec l’écologie et qui rémunérerait convenablement les agriculteurs.
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