L’offre théâtrale est riche en ce début de printemps. Comme chaque mois, Le Point vous aide à faire votre choix en vous signalant cinq spectacles à ne pas manquer. Vivez une page épique de la Révolution française, swinguez avec Jean-Sébastien Bach, tremblez avec Macbeth ou bourlinguez avec Kessel et Ulysse…
Plein feu sur la Nuit du 4 août
Quoi de plus spectaculaire qu’une révolution en train de se faire ? Huit ans après l’enthousiasmant Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat… Hugues Duchêne nous offre de revivre un épisode majeur de 1789 en adaptant pour le théâtre le roman de Bertrand Guillot : L’Abolition des privilèges (Les Avrils). Cet ouvrage reconstituait habilement la folle « Nuit du 4 août » où, réunis à Versailles dans un modeste entrepôt, les membres de la jeune Assemblée nationale mirent à bas l’Ancien Régime. La pièce qui en est tirée restitue tout aussi ingénieusement l’événement. Le dispositif scénique (quadrifrontal) permet ainsi de distribuer le public dans des tribunes qui rappellent les trois États de cette société de classe. Petit conseil : choisissez les sièges sur scène. Noblesse oblige, vous vous y verrez offrir un verre de vin. Sur le plateau, le fougueux Maxime Pambet incarne une dizaine de personnages avec brio. Tour à tour Adrien Duquesnoy, Joseph Delaville Le Roulx, Pierre-François Lepoutre, Isaac Le Chapelier, Jean-Jacques Duval d’Eprémesnil, Guy-Jean-Baptiste Target, mais aussi Louis Marie Antoine de Noailles, Armand du Plessis, Guy Le Guen de Kerangal, Anne-Louis-Henri de La Fare, ou encore Jean-Baptiste de Lubersac, le jeune comédien redonne vie à ces personnages qui contribuèrent à infléchir le cours de l’histoire. Après Je m’en vais mais l’État demeure, fresque politique à l’humour mordant sur le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Hugues Duchêne signe là une magistrale leçon de théâtre.
*« L’Abolition des privilèges », adaptation du roman de Bertrand Guillot par Hugues Duchêne. Avec Maxime Pambet. En tournée dans le Nord et dans l’Aisne du 11 au 19 avril.
Sacré Jean-Sébastien
Digne héritier du regretté Jacques Loussier (1934-2019) qui consacra sa vie à l’interprétation jazzy de l’œuvre de Jean-Sébastien Bach, le quatuor – emmené par la chanteuse Anne Baquet – revisite les grands airs du compositeur allemand. Il offre au public un réjouissant récital d’une folle inventivité. Conçu comme une succession de sketches, ce spectacle inclassable intercale moments de musique et de franche rigolade. Claude Collet (au piano), Amandine Dehant (à la contrebasse), Anne Régnier et Ariane Bacquet (en alternance au hautbois et au cor anglais) jouent divinement de leur instrument. Elles cultivent parallèlement des talents insoupçonnés d’humoristes. Leurs numéros nous permettent de redécouvrir une musique qui a infusé jusque dans la culture pop. Des extraits du concerto en mi majeur et de divers menuets de Bach ont en effet influencé des artistes contemporains. Leur spectacle donne ainsi l’occasion de croiser, dans l’ombre du grand Jean-Sébastien, les figures de Leonard Bernstein, Maxime Le Forestier, Nino Rota et même Claude François !
*« Come Bach », spectacle mis en scène par Gérard Rauber. Avec Anne Baquet (voix), Claude Collet (piano), Amandine Dehant (contrebasse), Anne Regnier ou Ariane Bacquet (hautbois et cor anglais) au Lucernaire (Paris 6e). Jusqu’au 26 mai.
Retour à Ithaque
Qui est-il cet Ulysse qui revient à Ithaque après vingt ans d’absence ? Un héros encombré par sa gloire, un prophète qui a côtoyé les dieux, ou seulement un soldat éreinté par la guerre et hanté par les massacres ? En confiant à Claudine Galea le soin d’écrire un texte qui revisite Homère, Laëtitia Guédon avait l’intuition que les femmes de L’Illiade et L’Odyssée offriraient sans doute la clé de l’énigme. Voici donc Hécube (impressionnante Clotilde de Bayser) qui ouvre le bal et livre le portrait d’un monstre sanguinaire. L’épouse de Priam a des raisons d’en vouloir au fils de Laërte. La reine de Troie n’a-t-elle pas payé un lourd tribut face à cet ennemi ? Au fond du décor, un monumental crâne de cheval crée une atmosphère lugubre. Mais il suffit qu’on le déplace pour qu’il se transforme en grotte où Calypso (Séphora Pondi) se remémore l’histoire d’amour qu’elle a vécue, sept ans durant, avec le héros grec. La nymphe évoque évidemment une autre facette du personnage. Quelle vérité nous livrera quant à elle Pénélope (Marie Oppert) ? Il faudra attendre le dernier acte pour le savoir. Ces trois monologues auxquels répondent trois Ulysse différents, campés successivement par Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty et Éric Génovèse, sont ponctués par de magnifiques intermèdes musicaux offerts par le chœur Unikanti (issu de la Maîtrise des Hauts-de-Seine). Ce coryphée alterne chants médiévaux et modernes, musique sacrée et profane en araméen, grec et même celte. Un cocktail magique qui offre un heureux contrepoint au portrait mosaïque porté sur scène. « L’art, c’est la beauté quoi qu’on dise. Violence et désordre, mais beauté », assure Claudine Galea. On ne saurait mieux dire.
*« Trois fois Ulysse », de Claudine Galea, mise en scène de Laëtitia Guédon. Avec Éric Génovèse, Clotilde de Bayser, Séphora Pondi, Marie Oppert, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty et le chœur Unikanti, Farès Babour, Simon Bièche, Manon Chauvin, Antonin Darchen, Adélaïde Mansart, Johanna Monty, Eva Pion, Guilhem Souyri. Au Théâtre du Vieux-Colombier (Paris 6e). Jusqu’au 8 mai.
Le king Kessel
Salle comble et prolongation ! Franck Desmedt fait revivre Joseph Kessel (1898-1979) dans une performance époustouflante, d’après la vie et l’œuvre du grand reporteur (surtout) jusqu’à son entrée à l’Académie française, confectionnée par Mathieu Rannou, qui signe également la mise en scène. Jouant avec un rideau blanc, représentant aussi bien celui d’une tente d’Arabie que le linceul de sa mère, le comédien incarne « Jef » le fraternel à grands traits, l’homme qui préférait les hommes aux idées, le danger à l’ennui, l’ivresse sous toutes ses formes, au fil des tableaux. Tour à tour, Desmedt devient prodigieusement le père, le frère, Lazare, qui mit fin à ses jours, le directeur de journal, restitué en l’unique figure de Pierre Lazareff, mais encore Henry de Monfreid dans un dialogue superbe. Ou Humphrey Bogart dans un concours de cognac bu cul sec, et même de Gaulle, sans oublier un clin d’œil mordant à Francis Huster. De la guerre de 1914 à l’Irlande du Sinn Féin, du Yémen à l’Afghanistan des Cavaliers, le souffle de la liberté gagne la salle. Et celui du comédien ne faiblit pas dans ce solo brûlant d’une soif de vivre pour raconter les tumultes de son siècle qui résonnent avec ceux du nôtre.
*« Kessel, la liberté à tout prix », de (et mis en scène par) Mathieu Rannou, avec Franck Desmedt. Au théâtre Rive Gauche (Paris 14e). Jusqu’au 26 juin.
Saigneur des anneaux
C’est noir, glauque, parano, la mise en scène ne donne aucun espoir, alors ça va cliver. « Ante faciem tuam ibi mors », annonce l’imposant anneau central, couronne trop lourde qui descend vers la scène, à peine le rideau levé. « Devant ton visage, il y a la mort » : on ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenu. La Comédie française donne Macbeth vu par Silvia Costa. Elle a travaillé auprès de Romeo Castelucci, adepte du théâtre de la cruauté d’Artaud, alors les corps prennent beaucoup de place. Mais le texte de Shakespeare n’en ressort que davantage dans cet écrin obscur aux arêtes coupantes. Silvia Costa évacue l’Histoire au profit de l’histoire, brutale, oppressante. Les costumes sont austères, presque ecclésiastiques : c’est Shakespeare chez les Harkonnen de Dune. La Lady n’a plus de sang sur les mains. Il est sur le visage de son mari, boucher naïf face aux prophéties des sorcières dont il n’a pas su déchiffrer les métaphores. C’est lourd, pesant. Mais aussi dense et prenant… à la gorge.
*« Macbeth », de William Shakespeare (traduction Yves Bonnefoy), mise en scène de Silvia Costa. Avec Alain Lenglet, Julie Sicard, Pierre Louis-Calixte, Suliane Brahim, Jennifer Decker, Julien Frison en alternance avec Birane Ba, Noam Morgensztern, Clément Bresson et Marceau Adam Conan. À la Comédie-Française (Paris 1er). Jusqu’au 20 juillet.
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