À 79 ans, Nicoletta est plus alerte que jamais. Juste avant de reprendre sa tournée gospel (*), notre «Soul Sister» préférée sera sur scène à l’Olympia pour rendre hommage à Gilbert Bécaud (**). Elle chantera La Solitude dans une version jazzy. Pour Le Figaro, l’interprète de Mamy Blue, de La Musique et d’Il est mort le soleil raconte de sa voix rauque ses souvenirs avec Gilbert Bécaud. Mais aussi ceux avec Jacques Brel pour qui elle participe à Une journée avec Brel diffusé prochainement sur France 3.

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LE FIGARO – Quand avez-vous rencontré Gilbert Bécaud ?

Nicoletta : Adolescente chez moi en Haute-Savoie, je l’ai d’abord écouté à la radio. À 15-16 ans, je chantais sa chanson Les Marchés de Provence. Encore aujourd’hui, j’adore ses mélodies romantiques et ses chansons pleines de joie de vivre comme Je reviens te chercher, Nathalie, C’est en septembre… La première fois que je l’ai rencontré, c’était à mes tout débuts à Paris. De mémoire, c’était grâce à Pierre Delanoë qui a écrit les paroles de ma chanson Il est mort le soleil. À partir de là, Gilbert m’a énormément aidé et a fait pareil pour Julien Clerc qui était à l’affiche de la comédie musicale Hair.

Comment vous a-t-il aidé ?

Il m’a autorisé à reprendre sa chanson La solitude. Quand il l’a entendu dans ma version un peu jazzy, il s’est exclamé : «La salope, ton tempo est bien meilleur que le mien ! (rires rauques, ndlr).» J’avais eu cette idée dans ma baignoire. Gilbert avait un sens musical extraordinaire. À condition de conserver sa mélodie et ses harmonies, on peut changer le tempo. Ses chansons sont intemporelles. Il m’a aussi pris plusieurs semaines avec lui en tournée en France. J’ai chanté avec lui en Belgique et en Allemagne, sur scène comme sur d’importants plateaux télévisés avec de gros orchestres. Quand il a fait l’émission Le Grand Échiquier présenté par Jacques Chancel le 24 octobre 1998 dans laquelle il chantait plusieurs de ses chansons, il m’a invité et m’a accompagné lui-même au piano.

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Vous dites qu’il était franc et généreux ?

Oh la, oui. Sur scène comme dans le privé. Un artiste comme lui cela n’existe plus aujourd’hui. À la fin des tournées, il invitait les musiciens à dîner tous ensemble dans des restaurants gastronomiques. Il me demandait mon vin préféré. Je répondais «Château Latour» et il s’exclamait : «On y va ! Un Château Latour pour Madame !» (rires, ndlr).

Avec votre copain Johnny Hallyday, vous adoriez l’observer depuis les coulisses ?

Oui car c’était un show man fabuleux. C’est grâce à lui que j’ai appris à me tenir sur scène, à ne pas faire certaines choses. C’était toujours très subtil mais cela faisait la différence. J’étais dans le public pour l’applaudir à son dernier Olympia. Gilbert était déjà malade et a été très courageux. C’était magnifique.

Gilbert Bécaud est l’un des plus grands génies de la chanson française, il reste une star à l’international avec dix standards comme What now my love mais en France, il a été complètement oublié ?

C’est un scandale. On l’a tué en empêchant le travail de mémoire d’être fait aprèssa disparition d’un cancer, le 18 décembre 2001. Si je viens à l’Olympia, c’est pour aider «la petite», Emily Becaud, sa fille aînée qui est désormais la seule à posséder le droit moral de son père. Emily a beaucoup de projets pour faire redécouvrir l’œuvre de son père et elle peut compter sur moi.

Votre rentrée est chargée. On vous verra aussi sur France Télévisions dans un hommage à Jacques Brel ?

Lui aussi, je l’ai connu à mes débuts. Je vais chanter Quand on n’a que l’amour. Nous étions dans la même maison de disques chez Eddie Barclay. Brel était venu me voir sur scène car il voulait me donner un rôle dans Don Quichotte de Cervantès. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Le savoir dans le public m’a fichu la frousse. En sortant de scène, j’ai éclaté en sanglots. Il m’a tendu un mouchoir et m’a rassuré en me disant que j’avais vraiment très bien chanté. Finalement, je n’ai pas continué dans Don Quichotte car Eddie Barclay préférait que j’apprenne mon métier. Brel avait glissé que je n’avais pas assez de bonnes chansons. Mon producteur m’a dit : «Puisqu’elles ne sont pas assez bonnes, va-lui en demander une !» Jacques Brel a été d’une grande élégance : «Qu’elle prenne ce qu’elle veut !» J’ai choisi Quand on n’a que l’amour et il m’a fait un très beau cadeau: il a posé avec moi pour la pochette du disque. Il est à cheval en costume d’époque avec un grand chapeau et moi derrière, je lui tiens la taille. Jacques Brel était comme un grand frère pour moi.

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Et vous repartez en tournée en octobre ?

Je suis une chanteuse indépendante. Je monte sur scène quand j’en ai envie et je n’accepte pas toutes les propositions. Avec mon mari qui est mon manager depuis vingt ans, je m’autoproduis. L’an dernier, j’ai fait les Francofolies à La Rochelle mais je ne chante plus l’été à cause de la chaleur et il y a trop de monde sur les routes. Pour limiter les kilomètres, je chante région par région tous les trois-quatre ans. Cet automne, je serai sur les routes avec mes choristes et mon pianiste dans l’ouest de la France : Royan, Châteauroux…Je chante dans des villes de 20 à 30.000 habitants, souvent dans des églises et dans des salles de 600 à 1200 fauteuils. C’est toujours complet et je suis heureuse comme ça.

(*) Et maintenant, spectacle hommage à Gilbert Bécaud, Olympia. 17 septembre à 17h00.

(**) Tournées des Cathédrales & des Eglises 2023 de Nicoletta avec choristes et pianiste. Le 25 octobre à Cholet (Église du Sacré-Choeur), 26 octobre à Châteauroux (Église Saint-André), 27 octobre Rouillac (Le Vingt-Sept), 28 octobre Niort (Église Saint Hilaire), 29 octobre Royan (Église Notre-Dame).