Morad, le survivant comme il s’appelait lui-même, s’est éteint d’une crise cardiaque à l’âge de 46 ans. Retour sur une carrière musicale essentielle.
“Jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction.” Cette phrase, récitée comme un mantra, plane au-dessus du rap français depuis quasiment 30 ans. À sa source, un groupe mythique du 18e arrondissement parisien : la Scred Connexion. Formé autour du duo Fabe et Koma au milieu des années 1990, le groupe s’agrandit vite avec Mokless, Haroun et Morad, des représentants d’un rap proche de la réalité, du vécu, de la technique et de la rime riche.
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Au sein de ce collectif, Morad avait un statut à part. Présent dès le départ, il se fait souvent rattraper par la rue, par ses addictions et par ses excès. Tout est une histoire de survie, entre la prison et la cavale. Mais niveau musique, chaque apparition, chaque couplet retranscrit cette véracité, cette simplicité d’écriture, comme s’il parlait directement à l’auditeur.
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C’est le cas par exemple sur son premier couplet en 1997 avec Fabe & Koma et l’excellent “Marche ou crève”. Morad fermait la marche avec des rimes très précises, une voix reconnaissable tout de suite et un flow parfait.
Morad devient alors le featuring qui rehausse le tout, notamment avec Koma sur son EP Tout est calculé… (1997) puis sur son album Le Réveil (1999).
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La description du quotidien d’un habitant des quartiers du nord de Paris et de Barbès notamment a rarement été aussi précise. Le rap de Morad touche au naturalisme avec une vraie conscience de soi, une poésie en plus. “Avec c’qu’on vit” devient un véritable classique underground du rap français et le couplet de Morad y est pour beaucoup.
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Finalement, Morad aura très peu de morceaux en solo sur cette période où il est vraiment en train de prendre la parole. Pourtant, en 1998, sur la compilation du pionnier Dee Nasty, il s’associe à Cutee B à la production pour ce légendaire “Le Beat qui tue”. Tout le style de Morad s’expose dans ce morceau où chaque phrase pourrait être scratchée tellement elle est limpide. “Je suis censé vivre mes meilleures années.” Les images sont fortes, uniques et simples à la fois.
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Puis, juste avant de disparaître des radars quelques années car la rue l’a rattrapé, Morad sort un inédit incroyable sur la mixtape Bonjour La France de Fabe & DJ Pone. Ce morceau nommé “Engrenage” est sûrement la musique la plus touchante et vraie de Morad, son véritable carnet de route avec ses doutes, ses rêves et ses regrets. Le dialogue tiré de la VF d’American History X, le sample d’Ideal J en guise d’introduction, le refrain de Fabe, le beat tranchant et jazzy à la fois, tout est le symbole d’une époque, celle d’un rap français en train de basculer.
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C’est assez fou de se dire que ce morceau est sur le projet final de Fabe, le mentor de la Scred Connexion. En effet, après avoir délivré cette compilation mixée qui donne la parole à des jeunes artistes de toute la France, Fabe va disparaître du monde du rap et ne plus jamais donner de nouvelles. Morad était sur son dernier projet avec sûrement le morceau le plus important de sa carrière.
Une carrière parfaitement décortiquée dans une très belle interview chez Abcdr du Son à l’occasion de la sortie de son album Le Survivant en 2012. Le temps s’était écoulé doucement pendant les dix années qui séparent “Engrenage” et Le Survivant, mais les propos d’écorché vif repenti de Morad résonnaient de la même manière.
Le décès de Morad a été annoncé ce dimanche par les membres de son groupe, sur Facebook. “Nous avons la grande tristesse de vous annoncer le décès de notre ami et frère de toujours, Morad. Paix à son âme. Nos premières pensées vont à sa famille et ses enfants.” Selon ses proches, l’artiste serait mort d’une crise cardiaque à 46 ans.
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