Le défilé de la marque au double C, léger comme une plume pour son retour au Grand Palais. Celui de Demna, toujours ironique et sombre, sur la table de la salle à manger.
Dans un contexte économique tendu pour l’industrie de la mode, le mercato des designers dans les grandes maisons s’annonce comme le plus important depuis longtemps. On attend ainsi, dans les semaines à venir, le nom du successeur de Virginie Viard chez Chanel et un jeu de chaises musicales chez LVMH avec le possible transfert (a priori interne) de Jonathan Anderson actuellement chez Loewe. Beaucoup s’interrogeaient d’ailleurs sur la symbolique de la bague qui faisait office d’invitation de son dernier défilé. Très, très ému en backstage dit-on, serait-il en train de rompre ses longues fiançailles avec Loewe (onze ans déjà) ?
Les grands esprits se rencontrent, puisque chez Balenciaga, Demna a lui aussi passé l’anneau au doigt de ses invités (gravé à leur prénom). S’il dit avoir voulu marquer son engagement vis-à-vis de son métier, on sait aussi qu’il vient tout juste de renouveler ses vœux et son contrat après neuf ans de maison ! Une marque de confiance de la part de Kering qui, après deux dernières années plus difficiles, voit une embellie du côté des ventes de sacs Balenciaga et continue de parier sur l’aura et l’esthétique aussi puissante que clivante du designer géorgien. « Le monde de la mode veut montrer en permanence un visage parfait et lisse, explique-t-il. Moi je veux donner mon point de vue qui est que la mode a besoin d’être désordonnée, elle a besoin de s’amuser, elle a besoin de ne pas être basée sur la peur. » Peur de déplaire aux clients, aux actionnaires, aux journalistes, aux acheteurs… Lui ne fait aucune concession, et si parfois on aimerait le voir jouer sur un registre plus « léger », on lui reconnaît de tenir sa ligne de conduite.
Lundi soir, sous la tente plantée aux Invalides, les invités sont divisés en deux catégories : ceux assis sur les gradins, et les 180 (des stars pour la plupart, – Nicole Kidman, Katy Perry, Sophie Marceau, Lindsay Lohan, le transformiste Alexis Stone, cette fois grimé en Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou) assis le long d’une immense table en bois au style rustique. « Hommage à la table de ma grand-mère sur laquelle, il y a plus de 35 ans, je dessinais des filles et des vêtements sur du papier cartonné, que je découpais. Je forçais ma famille à regarder ma nouvelle collection… tous les trois ou quatre jours. » Demna sait faire vibrer la corde sensible, mais cet été 2025 n’a rien d’une ode à l’enfance telle qu’on peut l’imaginer. Sur le plateau de la table bien ciré, se succèdent des pin-up trash en soutien-gorge, gaine à porte-jarretelles et escarpins-bas nylon blancs, chair ou noirs… Un registre sexy qui lui est, à l’origine, assez étranger et qu’il avait envie d’explorer. Il décline cette lingerie peep-show dans des robes plissées à lavallière de bourgeoise pompidolienne aux dos lacés de larges rubans bondages qui parfois dévoilent le haut des fesses. Ici comme ailleurs, l’été 2025 ne s’annonce pas des plus riants, mais cette vibe à l’érotisme sombre est plus intéressante plastiquement que beaucoup des « nude looks » vus ailleurs.
La suite du show revient à des thèmes plus connus de Demna comme la réinterprétation jamais littérale des dos cocon de Cristobal Balenciaga, ici en des bombers, doudounes, vestes de sport, hoodies et blousons en cuir gonflés coupés au-dessus du nombril associés à des jeans taille basse. Romeo Beckham, assez peu reconnaissable derrière ses lunettes masque, porte un polo de rugby rétréci. Les mannequins suivants ont accumulé leurs vêtements comme s’ils avaient dû fuir au dernier moment. Un trench en jean noir délavé est détourné et drapé en robe bustier. Sur les derniers looks, les filles portent des tops qui se clipsent sur le torse comme un bracelet autour du poignet. « Nous avons travaillé plus d’un an pour faire tenir ces vêtements sans les enfiler, mais grâce à la flexibilité de l’armature. » Effectivement, derrière l’attitude antisystème de Demna, il y a une grande maîtrise des savoir-faire et une innovation qu’on ne soupçonne pas toujours. En revanche, ces derniers mannequins tellement maigres dans leur legging, désolée, mais c’est un tue-l’amour.
Chez Chanel, mardi matin, le banc et l’arrière-banc de la mode assiste probablement au dernier défilé avant que l’on ne connaisse le nom du nouveau couturier. C’est loin d’être anodin, car la maison de la rue Cambon est la seule de cette stature à ne s’être encore jamais frottée à la question du recrutement d’un directeur artistique depuis l’arrivée de Karl Lagerfeld au début des années 1980 – si son bras droit, Virginie Viard, qui lui a succédé à sa mort, a apporté un point de vue différent sur la fille Chanel, elle a toujours été pressentie pour faire la « transition ». C’est donc un show « entre deux » signé par le studio et qui a moins vocation à lancer une tendance ou à repenser la silhouette, qu’à respecter les codes et satisfaire le plus grand nombre de clientes en boutique.
Et à cet égard, cette collection estivale est réussie, légère et fraîche, présentée dans l’immensité du Grand Palais restauré (grâce en partie au mécénat de Chanel). On repense aux fameux défilés du supermarché ou celui de la manifestation de Lagerfeld en 2014, qui laissaient comme hier l’espace grand ouvert. Là, le décor est nettement plus sage : une monumentale cage à oiseau, référence à celle de l’appartement de Chanel ayant inspiré la cultissime publicité pour le parfum Coco (1992) avec Vanessa Paradis – qui arrive en trombe et en retard au show ! Le thème ? L’envol, pardi, inspiré par une photo de la jeune et joyeuse Gabrielle Chanel au sommet d’une montagne, tenant un voile flottant dans les airs. Le fil rouge ? La plume, qui ponctue toute la collection, authentique, ou faite de mousseline, ou de tulle, ou de frange de tweed, ou encore imprimée. Contrepoint de cette féminité évanescente, la figure de l’aviatrice du début du XXe siècle donne lieu, sur le podium, à une combinaison de pilote ceinturée portée avec des souliers à plateformes en jersey bicolore. Si le show prend peu de risques, les filles sont ravissantes avec leur eye-liner de sequins noirs et leur chignon gentiment ébouriffé par une bourrasque. Leur petit blouson au col en millefeuille de plumes et boutons « camé » au profil de Coco. Leur veste de groom et jupe à pli fendu assorti, entièrement brodées de sequins ivoire. Leur robe à revers smoking et double boutonnage frôlant prudemment les genoux. Leur cardigan à rayures et broche camélia, tailleur à carreaux orange et rose rétro, ou encore cette robe cage à oiseau en fil passé au four à mémoire de forme.
Le défilé s’achève sur le légendaire sifflement de la publicité de Jean-Paul Goude (reprise du jazzy Stormy Weather d’Etta James) avant que n’entre en scène Riley Keough, petite-fille d’Elvis Presley, actrice et chanteuse à ses heures, qui reprend When Doves Cry de Prince sur la balancelle qui s’élève dans la cage. Charmante, la demoiselle n’a toutefois pas le groove sexy du Kid de Minneapolis comme cette fille de l’été 2025, fraîche et naturelle, mais sans le style mordant de Coco Chanel.
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