Quand le spot s’allume, la boule à facettes brille de mille feux, près du comptoir du bar Chez Gaud. L’arrière-salle peut facilement accueillir une scène. Depuis juillet 2022, Guillaume Le Hégarat, l’enfant du pays, est propriétaire de ce lieu mythique, véritable institution locale depuis 1876. Ce n’est pas son métier d’origine. « Il y a une dizaine d’années, je travaillais beaucoup en cancérologie, à Saint-Brieuc. Mon père était aussi atteint d’un cancer. Il venait dans la même clinique où je bossais. Ça commençait à faire un peu lourd. J’avais besoin de me vider la tête et de passer à autre chose. Je suis allé comme chef de cuisine dans un restaurant, à Cap Breton. Des amis m’ont embauché en tant que cuisinier. Ça m’a vachement plu. La cuisine, c’est vraiment une passion pour moi », se rappelle l’ancien infirmier. Son parcours professionnel va ensuite le faire voyager. « Après avoir repris un cabinet d’infirmiers à Perros-Guirec, je suis parti à Genève pendant six ans. Je vivais sur un bateau et j’étais infirmier en soins à domicile. »

Passionné de musique

Le mal du pays le fait revenir à Ploubazlanec, où il décide de changer de métier. « J’ai vu l’annonce pour reprendre le bar Chez Gaud. C’est un lieu historique qui a une âme. J’y venais quand j’étais petit. Quand j’ai débarqué ici, je n’étais peut-être pas du métier mais j’étais de Loguivy », se rappelle le quadragénaire. Pour lui, l’idée, c’était vraiment de « garder ce bar de pêcheur traditionnel ».

Il a pris la suite de Clément et Anne-Sophie, « qui avaient apporté le côté culturel. Comme je suis passionné de musique, j’ai continué à surfer là-dessus. Je joue de la guitare et je chante. Clément et Anne-So ont complètement occulté le côté tradi du bistrot. Il n’y avait plus ce côté marin pêcheur qui s’arrête et boit un coup. C’était arrivé un truc de bobos paimpolais qui débarquaient ici pour regarder des concerts. C’était trop élitiste. C’est ce que les gens d’ici pensaient ». Guillaume a changé de cap en gardant le côté concert mais en revenant à l’ADN de Chez Gaud, le bistrot du coin. « C’est super d’organiser des concerts. Ça apporte de la vie au village. »

À 2 500 € le groupe, plus 600 € pour la technique, il faut vendre un paquet de bières pour s’en sortir !

Près de 23 000 € de budget « Concerts »

En été, il organise les Vendredis de Loguivy. La rue devant le bar est interdite à la circulation pour accueillir des concerts, dans une ambiance de fête au village. « Le concert fait venir les gens. Pour 50 % de ceux qui viennent, c’est juste pour boire un coup. Le concert est un fond sonore pour eux. Les passionnés sont devant et suivent un truc de qualité. »

Ce n’est pas avec ces concerts que Guillaume gagne de l’argent. « Pour les Vendredis de Loguivy, j’ai 22 000 ou 23 000 € de budget sur les huit dates. Il faut en vendre un paquet de bières pour s’en sortir. C’est 2 500 € le groupe. Il faut compter 300 € pour le technicien lumière et 300 € pour le technicien son. Après, on est dix à bosser le vendredi. Ce sont dix salaires à sortir.

Par contre, on fait parler de nous. C’est une manière d’exister par rapport à Paimpol », détaille Guillaume, qui a investi 25 000 € dans une vraie scène. C’est dans cet état d’esprit que Guillaume aborde la culture. L’hiver, il fait des repas concert toutes les trois semaines dans l’arrière-salle, qui peut accueillir 45 personnes. « Mes concerts commencent à 21 h. À 23 h, il n’y a plus de son. Je fais des concerts un peu jazzy. Les gens savent qu’ils vont bien manger et voir un truc sympa, sans dépenser une fortune. » Fan du Kerganer à Lanloup, il aime cette ambiance « où on peut manger un plat simple, comme un gratin dauphinois, et regarder un concert. C’est un concept qui me plaît bien. Tu ne te poses pas juste pour regarder un concert. Tu partages un moment convivial avec des gens ».

« Les gens ne sont pas obligés de consommer. Tu viens. Tu fais ton tour et tu peux repartir »

Air poney, stand-up et même tricot

En janvier, avec 75 spectateurs, il affichait complet avec le concert de JP Nataf. « J’ai eu 500 appels pour réserver. Ici, c’était un standard téléphonique. » Dans l’arrière-salle, Guillaume a investi « dans les jeux de lumières, dans les enceintes, les tables de mixage… J’ai mis 8 000 € là-dedans pour accueillir les gens de manière qualitative et que les musiciens soient fiers de jouer ici. »

Guillaume veut aujourd’hui diversifier sa partition. Il a prévu de proposer du théâtre, du stand-up, un tournoi d’air poney, le 9 juin dans le bourg… Ce lieu de vie n’est pas qu’une scène. « On fait des ateliers écriture. Une coiffeuse vient deux fois par semaine. Le jeudi après-midi, on a une quinzaine de personnes qui viennent faire du tricot », énumère Guillaume, qui expose aussi des artistes. Il met son lieu gratuitement à disposition. « Les gens ne sont pas obligés de consommer. Tu viens. Tu fais ton tour et tu peux repartir », conclut le patron du bar.