Cannes : avec Parthenope, Sorrentino transcende le mythe de la sirène de Naples dans une fable poético-mythologique mélancolique et sensuelle

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De retour au Festival de Cannes neuf ans après Youth, Paolo Sorrentino nous a subjugués avec un film sublime et onirique mais pas simple d’accès.

Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.

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Parthenope, c’est quoi ?

Après quelques années d’absence au Festival de Cannes, où il est pourtant régulièrement présent en compétition officielle depuis Les Conséquences de l’amour en 2004, l’immense Paolo Sorrentino a fait son retour en 2024 dans la sélection principale avec Parthenope. Derrière ce titre mystique se cache en fait le nom d’une figure mythologique, et plus précisément celle d’une sirène évoquée dans L’Odyssée, où elle vient perturber par sa beauté suprême le voyage d’Ulysse et ses marins.

Selon les légendes italiennes, Parthénope se serait ensuite échouée sur les rives de Naples et son tombeau reposerait sous la ville, voire aurait carrément servi de pierre pour fonder la cité autrefois appelée Néapolis. En Italie, la sirène de Naples est devenue un véritable symbole populaire et artistique au fil des siècles. Parthénope est autant un adjectif de la langue courante (“partenopeo”, pour désigner les Napolitains) qu’une muse pour certains peintres, poètes et compositeurs de la Botte, dont Domenico Sarro, Gioacchino Cocchi ou encore Vivaldi.

Entre les mains de Sorrentino, Parthénope est métamorphosée en une jeune femme à la beauté angélique. Née dans les eaux de la baie de Naples, d’où elle hérite son prénom, Parthénope devient rapidement l’objet de tous les désirs. Mais au-delà de ses attributs physiques quasi divins, de son pouvoir de séduction qui agit malgré elle sur son entourage, elle aspire à la connaissance pour devenir une anthropologue et une universitaire prestigieuse. De Capri à Naples, Sorrentino raconte son voyage sur plusieurs décennies, de façon souvent abstraite et onirique, entrecoupé d’une réflexion philosophique et poétique sur le caractère éphémère de l’amour, de la jeunesse et de la condition humaine.

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Pourquoi c’est franchement fabuleux ?

Comme de nombreux films de la compétition officielle cannoise cette année, Parthenope a divisé et laissé certains festivaliers de marbre. Aussi, c’est une critique très personnelle du nouveau long-métrage de Paolo Sorrentino que vous lirez ici, alors que le récit il est vrai très abscons du réalisateur italien est difficile d’accès. Mais comme toujours avec son cinéma, l’émotion l’emporte sur la raison, surtout quand il compose avec sa mise en scène contemplative et baroque un objet d’art unique et époustouflant.

De son propre aveu, Parthenope est une nouvelle lettre d’amour à la ville de Naples comme c’était déjà le cas pour l’envoûtant La Main de Dieu. Il le fait toujours avec sa patte contemplative et sa réalisation symbolique et surchargée, pour composer des tableaux proches de la Renaissance italienne, dont certaines peintures de l’époque sont d’ailleurs régulièrement souvent dissimulées en arrière-plan. De ce côté-là, l’esthétique et la direction artistique de Parthenope sont tout simplement à couper le souffle, avec des idées riches et clinquantes à chaque plan. Sorrentino met à l’œuvre son sens du cadre et des couleurs inouï pour proposer une vision de Naples fantasmée mais ô combien vivante et sublimée, comme si ses personnages vagabondaient sur le mont Olympe.

Le cinéaste traite ses protagonistes comme des divinités qui déambulent dans une version surréaliste de Naples. C’est particulièrement évident au cours d’une séquence de nuit sur un balcon, alors que Parthénope traverse le cadre au milieu d’une soirée luxueuse, comme errant entre Athéna, Dionysos, Apollon et autres dieux et déesses du panthéon grec. Là, elle s’allonge sur un balustre et pointe du doigt les astres du ciel dans un geste d’une élégance voluptueuse, comme si elle se transformait en sculpture, se fondait dans la mythologie gréco-romaine. Devant la caméra de n’importe quel autre réalisateur, la scène serait mielleuse et pompeuse au possible, mais sous l’œil affûté de Sorrentino, c’est tout simplement une œuvre d’art qui nous a émus aux larmes.

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La sensualité qui traverse le film et le personnage de Parthénope, filmée comme une déesse à la beauté immortelle, nous a envoûtés. Sorrentino a trouvé une jeune actrice sublime et magnétique, Celeste Dalla Porta, seulement deux petites séries sur son CV, pour composer à merveille cette héroïne torturée par sa propre splendeur, qu’elle porte presque comme une malédiction. Un film féministe ? Difficile à dire, mais Sorrentino capture son actrice sans jamais la mettre complètement (à) nue, criant son indépendance et sa fierté par une répartie oratoire redoutable, où la sensualité l’emporte sur la sexualité pourtant très présente dans le film. Il le résume d’ailleurs en un dialogue poétique dont il a le secret : “le désir c’est la vie, le sexe, c’est l’enterrement”.

Le réalisateur résume ici tout le contraste de la figure de la sirène et aussi du sens profond de son film, voire de sa ville de cœur : belle, mais vouée à dépérir. Le désir, comme la jeunesse, l’amour et finalement la condition humaine, est malheureusement éphémère. Une fois consommé, il finira par s’évaporer lentement mais sûrement, comme c’est le cas avec ses frères-amants, fous amoureux d’elle, jusqu’à ce que l’un d’entre eux soit finalement consumé par son propre désir incestueux et inavouable, préférant se suicider plutôt que de vivre le chagrin d’un amour impossible. Parthenope est jalonné d’une mélancolie aussi belle que tragique, hypnotisante, sublimée par une BO aérienne et jazzy, sûrement le vrai chef-d’œuvre de ce film bouleversant.

À travers cette fable poético-onirique, Sorrentino semble citer plusieurs grands poètes italiens dont Francesco Petrarca, alias Pétrarque. Le personnage incarné par Gary Oldman, qui en passant très peu de temps à l’écran parvient à nous briser le cœur, semble être une allégorie du poète lyrique. Dans Les Triomphes, son recueil le plus connu, Pétrarque met en commun son expérience de l’amour avec sa quête intellectuelle. Parthénope, qui cherche à s’échapper de sa condition d’objet de désir masculin, en suivant des études érudites auprès d’un professeur intransigeant mais au grand cœur (campé par Silvio Orlando, vu dans The Young Pope chez Sorrentino, ici dans une partition aussi burlesque que touchante), semble incarner la conception métaphorique de la poésie du penseur de la Renaissance.

Tout au long de son voyage initiatique, Parthénope s’interroge sur le sens de ses études, la notion d’anthropologie. Son professeur finit par lui répondre qu’il s’agit simplement de “voir”. Une réponse volontairement vague et cryptique, sujette aux interprétations dont voici modestement la nôtre : pour Parthénope, il s’agit de regarder le monde mortel comme il est, d’accepter sa condition humaine, loin des concepts métaphysiques divins que symbolise son prénom. Une vision déchirante de l’existence humaine et son caractère ironique, vivre pour mourir, et que malheureusement Sorrentino surappuie dans les quinze dernières minutes en nous montrant la version âgée et solitaire de sa muse déchue.

Ou peut-être que les voies du cinéaste de génie sont impénétrables pour nous, humbles spectateurs, et qu’il vient là en sous-couche briser le mythe de la fiction, du cinéma, pour nous ramener les pieds sur terre avec une fin douce-amère sur la vacuité de la condition humaine. Comme cette vision de Naples fantasmée, surréaliste, qui fait la dichotomie entre l’opulence et le vide de la vie de Parthénope, confrontée à la pauvreté et la détresse des quartiers populaires. Qu’on apprécie ou non son style baroque jusqu’au-boutiste, Sorrentino traduit avec une émotion profonde la vie de simples mortels errant comme des fantômes, à jamais hantés par leurs doutes existentiels et la peur de rejoindre les abysses, comme Parthénope s’en rendra compte dans une forme d’ironie macabre à la fin de sa vie.

On retient quoi ?

L’actrice qui tire son épingle du jeu : La révélation Celeste Dalla Porta, et la partition très courte mais émouvante de Gary Oldman.
La principale qualité : La beauté du cadre, des couleurs et de certains plans fantasmagoriques à couper le souffle qui prennent vie dans la caméra de Sorrentino.
Le principal défaut : C’est peut-être un poil trop contemplatif et suranné par moments, et les quinze dernières minutes, qui viennent briser le mythe de la sirène en nous ramenant dans le monde contemporain, n’étaient clairement pas nécessaires.
Un film à voir si vous avez aimé : Youth et La Main de Dieu de Paolo Sorrentino, Paterson de Jim Jarmusch, Challengers de Luca Guadagnino.
Ça aurait pu s’appeler : “La Sirène de Naples”.
La quote pour résumer le film : Parthenope est jalonné d’une mélancolie aussi belle que tragique, hypnotisante, sublimée par une BO aérienne et jazzy, sûrement le vrai chef-d’œuvre de ce film bouleversant.”

La chronique a été générée aussi sérieusement que possible. Dans la mesure où vous désirez mettre à disposition des renseignements supplémentaires à cet article sur le sujet « Festival Jazz » vous pouvez utiliser les contacts affichés sur notre site web. Le but de jazzmezencjazz.com est de débattre de Festival Jazz dans la transparence en vous donnant la visibilité de tout ce qui est mis en ligne sur ce thème sur le net Cet article, qui traite du thème « Festival Jazz », vous est volontairement proposé par jazzmezencjazz.com. Connectez-vous sur notre site internet jazzmezencjazz.com et nos réseaux sociaux pour être informé des prochaines publications.

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